HADIDJA, FEMME AUTONOME GRÂCE AU PADFA II
Ouro-Doukoudje, arrondissement de Lagdo, dans la région du Nord. On n’est pas très loin du barrage hydroélectrique éponyme, qui fait la réputation de toute la contrée. La coopérative rizicole locale accompagnée depuis 4 ans par le PADFA II est la CoopCA Barka Lesdi. Et quand on la connaît un peu elle pourrait, par un certain côté, justifier elle aussi une bonne renommée dans cette zone du pays, avec son apport à l’émancipation des femmes.
Du moins à en croire l’histoire de Hadidja, une jeune dame de la coopérative, que le Projet à littéralement « libérée » d’un carcan patriarcal qui la maintenait, parce que femme, dans une situation de second rang social permanent. Ce jour elle porte élégamment le pagne traditionnel avec le foulard de rigueur.
Mais quand elle parle maintenant, elle vous regarde droit dans les yeux, ce qui aurait été impensable pour elle avant qu’elle ne devienne membre de Barka Lesdi : « Ici à Ouro-Doukoudje comme presque dans beaucoup de sociétés islamiques du Grand-Nord, la femme doit avoir une attitude ostentatoire de soumission dans la vie quotidienne. On inculque ça aux filles je dirais dès le berceau. On croit souvent que c’est pour qu’elle montre de la dignité, alors que c’est faux : l’idée à la base est que la femme est foncièrement inférieure à l’homme »
Pour Hadidja, cette tradition a des implications profondes dans la vie des femmes ici : « D’abord très souvent encore, la femme est confinée à des rôles secondaires, pour dire le moins dans tous les domaines. Dans les coopératives par exemple, il lui est très difficile d’exprimer son point de vue. Ensuite, plus généralement, la femme nordiste n’a pas droit à beaucoup de choses comparée aux hommes ; elle n’est même pas autorisée à mener certaines activités par elle-même et à sa guise, notamment dans le domaine agricole, en particulier parce que la tradition nous dénie le droit à la terre.
Mais grâce à l’appui du PADFA II, la vie de la jeune femme s’est progressivement démarquée de cette image : « Grâce au PADFA II, ma vision des choses a changé. Le Projet a organisé des ateliers à Garoua, pour nous éclairer sur l’égalité entre les les femmes et les hommes. Dieu merci, ces derniers participaient aux mêmes ateliers, où ils ont compris que l’autonomisation des femmes n’allait pas à l’encontre des lois islamiques, en ce qui concerne les musulmans. C’est à travers ces formations que j’ai compris que nous les femmes ne sommes en rien vouées à n’être que les supplétives des hommes, du moins dans notre coopérative. Le Projet à toujours insisté pour ne faire aucune différence avec les hommes : au contraire depuis le début il a toujours encouragé les femmes à se mettre en première ligne au même titre que les hommes. Je peux même dire que c’est un des apports principaux du PADFA II ici chez nous ».
En l’interrogeant plus avant, on découvre que Hadidja est devenue le point focal genre de Barka Lesdi. Ceci explique probablement son engagement féministe, et son appropriation de l’action du PADFA II en faveur des femmes dans les coopératives qu’il accompagne : « Sur les 37 membres de Barka Lesdi, nous sommes aujourd’hui 17 femmes, alors qu’au début il n’y en avait qu’une poignée. Et pour les postes de responsabilité, ça marche : je suis point focal certes, mais je suis heureuse que d’autres femmes occupent désormais des postes-clés dans notre coopérative : mon amie est par exemple présidente du Comité de surveillance, et la trésorière est également une femme».
Récemment, Hadidja a participé à un atelier organisé par le PADFA II à Garoua sur le leadership féminin, destiné au renforcement des capacités de femmes leaders des coopératives de l’antenne de Maroua. Objectif : les préparer à relever les défis qui se présentent à elles en tant que femmes, dans la gestion de leurs groupes. « Je sais désormais que je peux faire face aux hommes, sans honte ni complexe », dit-elle dans un ravissant sourire. Sans baisser les yeux.
